Tribune sur le site de L'Express

Voulons-nous un nucléaire pour 50 ou 5 000 ans ? Par Claire Kerboul

Tribune parue sur le site de L'Express le 13 avril 2024

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[...] L’éthique aurait dû nous imposer depuis longtemps de basculer vers le nucléaire durable qui, grâce aux RNR, utilise toute la ressource sans la gaspiller et multiplie par cent sa durée d’exploitation. Au lieu de quoi, des considérations spéculatives quant au prix de l’uranium rendent aveugles sur l’épuisement de la ressource : le choc d’uranium à venir est une réalité géologique annoncée qui s’imposera, plus ou moins rapidement, entre 2050 et la fin du siècle. Les pays qui n’auront pas pris à temps le virage des RNR seront hors course.

[...] Le législateur reprendra-t-il la main pour redonner à notre pays ses chances d’autonomie énergétique pour des milliers d’années, sans qu’une décision de cette ampleur ne soit préemptée par l’incompétence installée jusqu’aux plus hauts niveaux de l’Etat ?

Il faut bien comprendre, à l’opposé du discours actuel de la filière, qu’il n’y a pas de continuité entre le nucléaire à neutrons lents (REP, EPR) condamné à disparaître avec l’uranium 235, et le nucléaire durable. Le multirecyclage en REP n’est pas une « étape intermédiaire » qui préparerait les RNR comme on a pu l’entendre ! A l’opposé de ce boniment, le nucléaire durable est au contraire un nucléaire de rupture, à la fois de matière première, de réacteurs, de laboratoires et d’usines. Il valorise la ressource pour des millénaires. A cet égard, jouer la montre sur le lancement des RNR est une aubaine pour les opposants au nucléaire, autant qu’une lourde hypothèque sur l’intérêt des EPR. Les EPR n’ont de sens que si les RNR sont engagés.

Rappelons que la mise au point et la qualification d’un prototype de RNR de puissance tel Astrid – arrêté au mépris de la loi du 28 juin 2006 qui en prescrivait la mise en fonctionnement en 2020 – nécessitent au moins une quinzaine d’années dans un environnement de recherche performant. Le déploiement industriel de RNR et d’installations ad-hoc dédiées au combustible, impliquera quelques dizaines d’années supplémentaires. L’urgence de se ressaisir est absolue.