Le multirecyclage en REP est une impasse

Le multirecyclage en REP est une impasse qui condamne l’électronucléaire

A rebours du nucléaire durable, le multirecyclage en REP consomme davantage de ressource et produit davantage de déchets

Dans la situation présente de la recherche française – arrêt du prototype de recherche Astrid [1] pour développer un réacteur à neutrons rapides de 4ème génération – certains présentent le multirecyclage en REP comme une alternative au multirecyclage en RNR. Or c’est exactement le contraire puisque le multirecyclage en REP conduit à consommer davantage de ressource (uranium 235) et à augmenter la production de déchets (actinides mineurs). Cela est lié directement au bilan défavorable fission/capture dans un REP. Dit autrement, le REP est un réacteur à neutrons lents conçu pour optimiser la fission du seul noyau fissile existant dans la nature, l’uranium 235. Pour cela les neutrons issus de la fission sont ralentis le plus possible par l’eau, qui est le fluide caloporteur, mais également le milieu le plus simple et le plus efficace pour ralentir des neutrons. Si les neutrons ralentis sont très efficaces pour fissionner l’uranium 235, ils sont en revanche facilement capturés par tous les autres noyaux ce qui conduit à la formation de noyaux plus lourds que l’uranium : les transuraniens, ou actinides.

Il est clair que s'obstiner dans le déploiement du multirecyclage en REP est une fuite en avant dont on tirera un bilan questionnable d'ici à quelques années, en termes économique, technologique et environnemental, au détriment de la crédibilité de toute la filière nucléaire. Comment justifier un programme de R&D qui sera fort coûteux – plusieurs centaines de millions d’euros – pour découvrir ce que l’on sait déjà ?

Le tableau ci-après permet de présenter une estimation des quantités de matières consommées et des quantités de déchets produits selon que le multirecyclage est réalisé en réacteur à neutrons lents (REP ou EPR) ou en réacteur à neutrons rapides.  Les bases de données sont tirées d’un dossier publié dans le cadre de la concertation entre les acteurs pour l’élaboration du PNGMDR 2016-2018 (Plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs) [2].

Tableau des scénarios

Quatre options ont été comparées :

  1. un parc REP sans recyclage dit également "cycle ouvert"
  2. un parc REP avec monorecyclage du plutonium
  3. un parc REP avec multirecyclage du plutonium
  4. un parc RNR avec multirecyclage de l'uranium et du plutonium

Pour examiner le caractère durable d'une option, les paramètres suivants ont été regardés : le besoin en uranium naturel enrichi ; les pourcentages de matières énergétiques non utilisées (uranium, plutonium) ; les quantités d’actinides mineurs mis aux déchets. Il apparait les points remarquables suivants :

  • Le monorecyclage du plutonium en REP (scénario 2) permet de réduire de 10% le besoin en uranium et de réduire de 40% la quantité de plutonium produite lors du cycle ouvert. En revanche ce monorecyclage augmente de 66% la quantité d'actinides mise aux déchets.
  • Le multirecyclage du plutonium en REP (scénario 3) réduit à peine le besoin en uranium naturel par rapport au cycle ouvert ; il est même moins performant que le monorecyclage actuel (MOX). En revanche, il accroit de façon considérable la production d'actinides mineurs à mettre aux déchets (300%). Ce résultat est prévisible : dans ce scénario où le processus de capture neutronique est dominant, le plutonium est transformé en transplutoniens (actinides mineurs). Le multirecyclage du plutonium en REP transforme de la matière fissile en déchets sans produire d'énergie.
  • Le multirecyclage de l'uranium et du plutonium en RNR (scénario 4) est le seul qui corresponde à un scénario de nucléaire durable : économie de la ressource puisque le besoin en uranium devient égal à zéro ; seul un appoint en uranium 238 est nécessaire, pour lequel on dispose de stocks quasi illimités à l'échelle de notre pays (plusieurs centaines de milliers de tonnes). Le plutonium disparait du bilan car il est fissionné pour produire de l'électricité. Aucune matière fissile n'est mise aux déchets, les seuls déchets ultimes sont ceux liés aux actinides mineurs en quantité très proche de celle du cycle ouvert.

Note : beaucoup d'ambiguïtés se cachent dans les termes "multirecyclage" et "fermeture du cycle" qui ont des sens très différents selon qu'on utilise un REP ou un RNR :

En REP, le plutonium est présent dans le cycle des matières du réacteur mais contribue très peu à la fission, l'essentiel des noyaux de plutonium se transformant en actinides mineurs, c'est pourquoi il est nécessaire de continuer d'apporter de la matière fissile pour faire fonctionner le réacteur. Le plutonium y est de fait transformé en déchet.

En RNR, grâce à l’énergie des neutrons rapides, c'est le plutonium qui fissionne, la preuve en est qu'il n'y a pas besoin d'apport de matière fissile au cours des recyclages successifs

Notes :

[1] Dans le cadre d’une technologie RNR, des alternatives à Astrid sont bien sûr possibles.

[2] Le Plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs est élaboré sous l'égide de l'ASN en application de la loi du 28 juin 2006 relative à la gestion des matières et des déchets radioactifs. https://www.asn.fr/espace-professionnels/installations-nucleaires/le-plan-national-de-gestion-des-matieres-et-dechets-radioactifs

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